La conception commune de la vie philosophique selon laquelle le philosophe devrait vivre seul, retiré du monde, pour trouver les conditions propices à la réflexion et rechercher la vérité, n’est valable que si l’on fait concernant cette dernière une supposition qui ne va nullement de soi. En effet, pour justifier l’isolement absolu du philosophe, il faut admettre que la vérité est essentiellement immuable, éternellement identique à elle-même et qu’aucune aide extérieure n’est nécessaire pour la découvrir. Mais si l’on adopte une tout autre approche de la vérité en estimant qu’elle s’inscrit dans le temps et s’accomplit dans l’histoire, ce n’est pas en se retirant du monde que le philosophe peut participer à son élaboration, ce n’est qu’au milieu des autres hommes car c’est en échangeant avec eux qu’il peut suivre l’évolution des savoirs et se libérer des illusions qu’il se fait. Pour philosopher et se mettre en quête de la vérité, faut-il alors être seul, à l’écart des autres et du monde ?