Concours académique d’écriture 2009 : « Charlotte Corday »

Dans le cadre du concours d’écriture organisé par l’action culturelle du rectorat, en partenariat avec les musées des beaux-arts de la région, la classe de Seconde ST2S a écrit une lettre adressée au peintre Joseph Désiré Court (1797-1865), auteur du tableau « Charlotte Corday », œuvre exposée au Musée des Beaux-Arts d’Alençon. Cette lettre est le fruit d’un travail collectif encadré par Mme Brée, Professeur de Lettres.

Charlotte Corday
Prison de la Conciergerie
le 16 juillet 1793

Cher Monsieur Désiré Court,

J’ai bien reçu le tableau que je vous avais commandé. Je ne m’attendais pas à une telle réussite sachant le peu de temps dont nous avons disposé. J’ai ressenti une telle émotion à la vue de cette œuvre ! Vous avez su traduire en peinture ce que je vous avais décrit avec de simples mots. Vous n’étiez pas présent lors de cette scène fatidique et pourtant cette œuvre en est le reflet juste et bon. Je peux désormais profiter sereinement et paisiblement de mes dernières heures sachant que je laisse derrière moi cette image à mes proches. J’ai fait le choix de me sacrifier pour ma patrie, ce choix je l’assume encore. Je suis fière et ne regrette en aucun cas d’avoir assassiné cet homme abominable.
J’apprécie beaucoup la technique du clair-obscur que vous avez mise en œuvre car elle me montre comme étant le sujet principal du tableau. La lumière venant de la droite éclaire mon visage et mon buste ; on voit très bien qu’à ce moment précis ma décision est prise et que j’en connaissais les conséquences funestes. Cette lumière peut faire croire à un soutien venant de Dieu. L’émotion dégagée par mon visage me rappelle cet instant crucial où les larmes me montèrent aux yeux et où l’hésitation m’envahit. J’étais face à un dilemme : je devais choisir entre ma détermination et mes convictions religieuses. Les larmes dans mes yeux, le regard vers le haut et l’expression de mon visage renvoient aux conséquences de mon acte et à la fatalité de la situation.

Face au couloir de la mort
Je ne me sens pas en tort

Un pardon infligé par une religion
Un dieu qui mouille mes yeux

En sauvant ma patrie
J’y laisse ma vie

Votre talent est perceptible à travers la finesse de vos coups de pinceau : les traits du visage sont si bien marqués et si bien détaillés ! Ce portrait donne l’impression que je ne suis là que pour un court instant car je n’ai pas ôté mon châle d’un noir intense. Il est légèrement dégagé sur les avant-bras et fait ressortir la blancheur de mon vêtement.
Je trouve également très bien d’avoir eu l’idée de représenter, dans ma main gauche, la supplique qui m’a permis de rencontrer Marat,. Elle montre toute ma détermination à accomplir cet acte. La droite est repliée sur mon cœur pour exprimer toute la ferveur de ma prière à ce moment-là. Vous avez aussi bien fait de représenter la croix et de la placer au centre du tableau, je ne pense pas que cela soit un hasard. Vous avez peint le bas de ma robe moins précisément peut-être par manque de temps ou pour faire ressortir le reste, l’essentiel.
Je trouve dommage que la pièce en arrière-plan ne soit pas visible. Il est regrettable que la représentation de Marat dans son bain ne soit pas plus précise. On aurait pu alors, grâce à ce tableau, connaître les dernières expressions de son visage avant sa mort.
Je constate que vous avez fait l’effort de vous rendre chez Marat pour peindre l’arrière-plan. Il est vrai que ma geôle n’est guère un endroit propre à inspirer un peintre ! Je reconnais tout sauf un détail : c’est très symbolique d’avoir remplacé l’horloge du couloir de chez Marat par un bonnet phrygien. Après tout ce symbole est aussi bien le sien que le mien, nous sommes tous les deux des révolutionnaires mais je hais Marat pour ce qu’il représente : je le considère comme un tyran responsable de la Terreur.
Enfin, grâce aux dimensions de votre tableau marquées par les différents degrés de coloris, j’ai l’impression de revivre la scène et cela me rappelle la terreur de me retrouver chez un ennemi que je devais assassiner.

Je suis enfermée entre quatre murs délabrés
Mes larmes noient mon passé
Je n’ai plus le mystère de savoir
Quand je vais mourir
Mes souvenirs
Dictent mon avenir
Quelques coups de pinceau
Pour quelques liens familiaux.

Adieu, Monsieur, j’aurais tellement aimé vous remercier de vive voix ! J’espère que dans les années à venir vous serez récompensé pour votre talent.

Charlotte Corday