Le Lycée Auguste-Chevalier dans la Grande Guerre
Hommage aux 33 anciens élèves morts pour la France

En août 1914, après une crise stupéfiante, l’Europe entra dans une catastrophe irréparable que les Français appelèrent la Grande Guerre. Une guerre longue, dure, cruelle et coûteuse sur tous les plans. Une guerre qui a sans doute plus changé la France que ne le fera la Seconde Guerre mondiale. 1 397 000 morts dans l’Armée française, pour 1560 jours de combat, soit une moyenne théorique de 890 par jour. Un Français sur sept en âge de combattre. Parmi eux, 33 anciens élèves de notre établissement dont les noms sont gravés dans le marbre d’une plaque commémorative installée en son sein en mai 1930.

C’est pour leur rendre hommage et perpétuer leur souvenir que M. Ridard, professeur de Mathématiques, s’est lancé dans un remarquable travail de mémoire. En retrouvant dans les archives départementales la fiche matricule de chacun d’entre eux et en consultant leur fiche individuelle sur le site des morts pour la France mis en ligne par le ministère de la Défense, ses patientes et minutieuses recherches entreprises pour la première fois ont permis d’identifier clairement, outre leur nom et leur prénom, l’activité qu’ils exerçaient dans la vie civile, leur grade, leur unité d’appartenance, la date et le lieu de leur décès.

Aujourd’hui, en ce centième anniversaire, regardant la plaque commémorative apposée au cœur même de notre lycée, nous pouvons, nous devons méditer et nous interroger : comment faire pour libérer les hommes de la menace de la guerre, les détourner de sa violence meurtrière et les empêcher de connaître pour seule paix celle des cimetières ? À l’âge nucléaire, c’est peut-être la question la plus importante que nous ayons à nous poser car de la réponse qu’on saura lui donner dépend l’avenir de l’humanité tout entière.
Organisation de l’Armée de terre française en 1914
Pour comprendre les sigles utilisés dans cet article, il est utile de connaître l’organisation des unités de l’Armée de terre française en 1914.

L’unité tactique de base de l’Armée est le régiment d’infanterie (RI). Sous les ordres d’un colonel, ce dernier est composé de trois bataillons (commandés par un commandant), chaque bataillon comprenant quatre compagnies d’un peu plus de 280 soldats (commandées par un capitaine), soit 3400 hommes dont 120 officiers par régiment. Les régiments d’infanterie sont regroupés par deux dans une brigade d’infanterie de 6800 hommes (commandée par un général de brigade), deux brigades formant une division d’infanterie (DI) (commandée par un général de division). Une division d’infanterie française compte environ 16 000 hommes et comprend quatre régiments d’infanterie, un régiment d’artillerie, un escadron de cavalerie, une compagnie du génie et les service de santé, vétérinaire, poste, prévôté. Notons que ces effectifs sont indicatifs et théoriques, tout comme le grade de la personne commandant chaque unité.

Concernant le Domfrontais, la plupart des hommes ont fait leur service militaire dans le 104e RI basé à Argentan et Paris, bien que soit établi dans la caserne Laharpe de Domfront le 1er Bataillon du 130e RI (les deux autres bataillons étant casernés à Mayenne). Lors de la mobilisation générale du 2 août 1914, les hommes nés en 1891, 1892 et 1893 sont incorporés dans le régiment d’active (104e RI d’Argentan), ceux nés entre 1881 et 1890 le sont dans le régiment de réserve (304e RI d’Argentan), tandis que le régiment des territoriaux (32e RIT d’Argentan) est formé des rappelés nés entre 1875 et 1880. Le 104e RI dépendait de la 7e DI à laquelle étaient également rattachés les 101e, 102e et 103e RI, l’escadron du 14e Hussards et le 31e Régiment d’Artillerie de Campagne. La 7e DI faisait partie du 4e Corps d’Armée de la 3e Armée, l’une des cinq armées mises à la disposition du général de division (3 étoiles) Joseph Joffre, le commandant en chef des armées du Nord et du Nord-Est.
Départ en manœuvre du 1er Bataillon du 130e RI. (Coll. J.L. Bernadeaux).
Second cliché pris, comme le précédent, rue de la République à Domfront. (Coll. J.L. Bernadeaux).
La caserne Laharpe route d’Alençon à Domfront. (Lib. Brouillet).
La caserne Molitor d’Argentan. (E. Roussel, Éditeur).
Départ d’Argentan du 104e RI en août 1914. (A. Lejeune, Éditeur).
Liste mémoriale des 33 anciens élèves morts pour la France
À partir de cette liste, nous avons consulté le site « Mémoire des Hommes » ayant mis en ligne les fiches individuelles de l’ensemble des soldats morts pour la France durant la Première Guerre mondiale. Ces fiches nous ont orienté vers les registres matricules des archives départementales, source des renseignements présentés dans le tableau proposé ci-dessous. La consultation de ces registres et celle des listes nominatives de recensement ont permis de compléter le travail d’identification. L’ensemble de ces recherches a mis en évidence quelques erreurs regrettables sur la plaque commémorative du lycée : Henri Lecoq s’appelle en fait Lecocq. Maurice Lebossé a quant à lui été oublié dans la rubrique 1914-1918 et ajouté par la suite dans celle de 1939-1945. Enfin, l’identification d’Alfred Maffret (figurant sur une photographie datée de 1912 présentée ci-dessous) a posé de réelles difficultés. Aucun Alfred Maffret n’existe en effet au répertoire de « Mémoire des Hommes ». Une recherche sur internet nous a mis sur la voie du seul soldat anglais portant ce nom et prénom. Nous pensons qu’il a accompagné en Angleterre son camarade du Collège de Domfront Charles Letourneur, dont les parents travaillaient à Londres.
- Année 1914 -
Caporal Bulon Charles, employé de commerce, 130e RI, tué à Virton (Belgique) le 22 août 1914 à 22 ans.
Soldat Delaunay Louis, plâtrier, 104e RI, tué à Ethe (Belgique) le 22 août 1914 à 25 ans, médaille militaire.
Soldat Taphorel Gustave, répétiteur au collège de Vire, 1er Régiment d’Infanterie Coloniale, décédé de ses blessures le 30 août 1914 à Châlons-en-Champagne à 29 ans.
Caporal Plessis Marcel, cultivateur, 304e RI, décédé de ses blessures à Dombasles-en-Argonne (Meuse) le 2 septembre 1914 à 29 ans.
Soldat Rable Gaston, clerc d’huissier, 304e RI, blessé le 20 septembre 1914 et décédé le 27 septembre 1914 à l’hôpital de Neufchâteau (Vosges) à 30 ans.
Soldat Thomas Albert, clerc d’avoué, 104e RI, tué à Laucourt-Beuvraignes (Somme) le 2 octobre 1914 à 32 ans.
Soldat Chauvin Georges, loueur de voitures, 304e RI, mort de fièvre typhoïde à l’hôpital de Thierville-sur-Meuse (Meuse) le 20 octobre 1914 à 32 ans.
Soldat Pottier Amand, cultivateur, 124e RI, tué à Andéchy (Somme) le 4 novembre 1914 à 23 ans.
Lieutenant Cousin André, 316e RI, tué à St-Pierre-les-Bétry (Oise) le 17 novembre 1914 à 28 ans.
Soldat Piel Maurice, grainetier, 104e RI, tué à Popincourt (Somme) le 17 décembre 1914 à 25 ans.
- Année 1915 -
Soldat Lebossé Maurice, marchand de beurre, 103e RI, disparu à Perthes-les-Hurlus (Marne) le 24 février 1915 à 23 ans.
Soldat Auneveux Clément, employé à la Sous-Préfecture, 26e RI, tué à Duisans (Pas-de-Calais) le 9 mai 1915 à 21 ans.
Soldat Gilles Louis, répétiteur au lycée de Domfront, 25e bataillon des Chasseurs à pied, tué aux Éparges (Meuse) le 27 mars 1915 à 21 ans.
Cavalier Midy Maurice, charpentier, 14e Hussards, mort à l’hôpital d’Alençon le 28 juin 1915 à 32 ans, après une chute de cheval.
Sous-lieutenant Pierre Maurice, instituteur, 104e RI puis 413e RI, décédé des suites de ses blessures à l’hôpital d’Amiens (Somme) le 21 août 1915 à 42 ans.
Commandant Moriceau Victor, chef de bataillon, 124e RI, mort au Mont-Sans-Nom (Marne) le 15 septembre 1915 à 44 ans, chevalier de la Légion d’Honneur.
Sergent Lorel Henri, chapelier, 32e RIT, blessé et décédé à Les-Monthairons (Meuse) le 28 novembre 1915 à 36 ans.
- Année 1916 -
Sergent fourrier Mussier Elie, militaire, 303e RI, réformé le 30 décembre 1914 et décédé à l’hôpital d’Alençon le 4 février 1916 à 28 ans.
Sergent Chauvin Auguste, frère de Georges, employé des Chemins de Fer, 32e RIT, décédé à Les-Monthairons (Meuse) des suites de ses blessures le 21 février 1916 à 41 ans.
Sous-lieutenant Moreau Albert, administration des Domaines, 45e RIT, tué au Bois-des-Hospices près de Verdun (Meuse) le 28 février 1916 à 40 ans.
Caporal Lecornu Joseph, étudiant, 124e RI, tué au Fort-de-Tavannes près de Verdun (Meuse) le 2 juin 1916 à 29 ans.
Soldat Tillien André, quincailler, 94e RI puis 403e RI, tué à Fleury-devant-Douaumont (Meuse) le 4 juin 1916 à 25 ans, croix de guerre avec étoile de bronze.
Soldat Lecocq Henri, comptable, 104e RI puis 341e RI, tué au Mort-Homme près de Verdun (Meuse) le 19 juin 1916 à 34 ans.
- Année 1917 -
Sergent Colson Edmond, mécanicien ajusteur, 10e Génie (20/1), tué le 19 mai 1917 à Bray-en-Laonnois (Aisne) à 25 ans, croix de guerre avec étoile de bronze.
Brigadier Guerrand Roger, engagé volontaire à 18 ans le 15 juillet 1915, 55e RA, blessé et décédé à l’ambulance de Salvange-Rarécourt (Meuse) le 22 mai 1917 à 20 ans.
Soldat Perret Octave, agriculteur, 233e RI, blessé le 27 octobre 1917 à Het-Sas et décédé le 29 octobre 1917 à l’hôpital de Roesbrugge (Belgique) à 20 ans.
Soldat Thomas Louis, maçon, 32e RIT puis 247e RI, mort chez lui à Larchand (Orne) des suites d’une hémiplégie le 12 décembre 1917 à 38 ans.
- Année 1918 -
Maréchal des logis Foulon Auguste, cultivateur, 11e Cuirassiers, tué au Bois-de-Gury (Oise), le 9 juin 1918 à 24 ans, croix de guerre avec étoile de bronze.
Soldat Letourneur Charles, étudiant, 19e Chasseurs, tué à Maresmontiers (Somme) le 9 août 1918 à 20 ans.
Adjudant Chevalier Alexandre, frère d’Auguste, répétiteur au lycée de Quimper (Finistère), 86e RIT, décédé à l’asile de Ville-Evard de Neuilly-sur-Marne le 4 septembre 1918 à 42 ans.
Caporal Fougeray Jules, employé à la recette des finances, 2e Zouaves, prisonnier à Verdun le 24 février 1916, interné à Cassel (Allemagne), hospitalisé à Montana (Suisse), rapatrié tuberculose le 13 septembre 1918 à l’hôpital auxiliaire de St Genis-Laval (Rhône) où il décède le 27 septembre 1918 à 23 ans.
Private Maffret Alfred, étudiant, Royal Sussex Regiment, tué près de Cambrai (Nord) le 10 octobre 1918 à 19 ans.
- Année 1919 -
Maréchal des logis Lusson Jules, électricien, 102e RALH (H pour hippomobile), décédé accidentellement par noyade à Vendresse (Ardennes) le 20 mai 1919 à 23 ans, croix de guerre avec étoile d’argent.
Nous vous présentons ci-dessous les différents types de documents sur lesquels se sont appuyées ces recherches. À gauche, la fiche de décès d’un soldat. On peut y lire son unité, son matricule, sa date et lieu de naissance et les circonstances de sa mort. Au centre, une fiche matricule. Commencée lors de l’incorporation, toute la carrière militaire d’un soldat y est décrite. À droite, une photographie de classe du Collège de Domfront datant de 1912. Outre M. Rougeyron, professeur d’Anglais, on y trouve Alfred Maffret (dont le nom est mal orthographié) et Charles Letourneur.
Fiche de décès d’Amand Pottier. (Site « Mémoire des Hommes »).
Fiche matricule d’A-mand Pottier. (Archives d’Ille-et- Vilaine).
La classe d’Anglais du Collège de Domfront en 1912. (Coll. Lycée Auguste-Chevalier).
Commémoration solennelle du 10 novembre 2014
Le lundi 10 novembre 2014, en mémoire de ses 33 anciens élèves tombés pour la patrie, le Lycée Auguste-Chevalier a organisé une cérémonie d’hommage qu’ont honoré de leur présence Mme Goulet, Sénatrice de l’Orne, M. Pueyo, Député de l’Orne, M. Soul, Maire de Domfront, M. Loquet, Conseiller général de l’Orne, Capitaine Caudan, Commandant de Gendarmerie, M. Miclard, Représentant local du Souvenir français et M. Levannier, Président des anciens combattants AFN.

La cérémonie officielle a débuté par la sonnerie militaire Garde à vous jouée par la fanfare de la Gendarmerie nationale. Après le discours de M. le Proviseur rappelant la solennité particulière de cet hommage en cette année du centenaire et la volonté collective de raviver le souvenir de nos 33 morts pour la France afin de leur offrir une place de choix dans nos cœurs, Mme la Sénatrice et M. le Député ont tour à tour salué ce travail de mémoire et souligné son importance au regard de la paix qui ne cesse d’être mise en péril par les extrémismes, les fanatismes et les égoïsmes. M. Ridard, à qui revient l’initiative de ce projet et qui fut l’élément moteur de sa réussite, remémora ensuite l’horreur, la souffrance sans borne et le spectacle déchirant des millions d’innocents qui s’entretuèrent sauvagement durant la Première Guerre mondiale. Parmi eux, nos 33 valeureux anciens. C’est leur souvenir qu’un à un 33 élèves volontaires du lycée ont évoqué avant de déposer chacun une rose au pied de la plaque commémorative qui leur est dédiée, suivis par les autorités civiles et militaires. Au cours de ce dépôt de fleurs qui s’acheva par la sonnerie Aux morts, une minute de silence et l’hymne national La Marseillaise, les chansons Zombie de The Cranberries et Hallelujah de Leonard Cohen, interprétées respectivement par Charlotte Gigan et Geoffrey Fournerie, Christina Williamson et Margot Turcan, ont résonné dans la cour intérieure de l’établissement, face à un auditoire admiratif devant la qualité de la performance des jeunes chanteuses et musiciens. Après son discours de clôture et l’interprétation de La Madelon par les élèves Léo Valluet, Théo Bazin et la fanfare de la Gendarmerie nationale, M. le Proviseur a invité l’assistance à partager un verre de l’amitié, l’occasion pour lui de remercier chaleureusement chacun de ceux qui, par leur engagement et leur présence, ont concouru à faire de cette cérémonie solennelle du 10 novembre 2014 une formidable réussite collective. Un hommage dont nous vous proposons de revivre les temps forts à travers les 33 photographies suivantes.
(Photos L. Letendre)
Durant la Grande Guerre, notre établissement fut évacué et un Hôpital Complémentaire (HC n° 8) pouvant accueillir de 32 à 50 lits s’installa dans ses murs et fonctionna du 5 août 1914 au 31 août 1916. Le document proposé ci-dessous vous présente le travail que les élèves de terminale ST2S ont réalisé sur ce thème en Accompagnement Personnalisé sous la direction de Vanessa Lelièvre, professeur de Sciences et techniques sanitaires et sociales.

Le rôle du Collège de Domfront
pendant la Grande Guerre.
Si vous désirez lire l’article que Serge Ridard a consacré à l’hommage du 10 novembre 2014 et publié sur le site de l’Académie de Caen, cliquez ici.

Si vous voulez découvrir les fiches élaborées sur chacun de nos 33 anciens élèves morts pour la France par l’ensemble des classes du Lycée Auguste-Chevalier dans le cadre de l’Accompagnement Personnalisé ou de l’Éducation Civique, Juridique et Sociale, vous pouvez consulter le forum Pages 14-18 (où elles ont été mises en ligne par Serge Ridard, illustrées notamment par les photographies réalisées lors de la cérémonie du 10 novembre 2014 par Michel Poussier) en suivant ce lien : « Lycée Chevalier : commémoration de la Grande Guerre ».

Voir en ligne : « Mémoire des Hommes » (site du ministère de la Défense).