L’invention du mot « philosophe » par Pythagore

Si, d’après l’étymologie, la philosophie est l’« amour de la sagesse », elle en est aussi la quête. C’est Pythagore le premier qui donna au mot philosophie ce sens précis de recherche de la sagesse. C’est lui aussi qui, selon la tradition antique, refusa de s’attribuer le titre de sage et inventa le terme « philosophe ». En effet, jusqu’à l’époque de Pythagore, au VIe siècle av. J.-C. , on appelait « sages » ceux qui s’occupaient de connaître les origines et les causes de tous les faits. Ainsi en est-il pour les sept personnages fameux dont la réputation de sagesse fut consacrée par le titre de sophoí en Grèce : Thalès, Pittacos, Bias, Solon, Cléobule, Chilon et Périandre. Or, relatant une anecdote racontée par Héraclide le Pontique – un disciple de Platon – dans son dialogue aujourd’hui perdu Sur la femme qui ne respire plus ou sur la maladie, Cicéron rapporte qu’au cours d’un entretien avec le tyran Léon de Phlionte qui, ébloui par son intelligence et son éloquence, lui demanda quelle était la science dont il se réclamait spécialement, Pythagore aurait répondu qu’en fait de spécialité il n’en avait aucune, mais qu’il était philosophe [1].

Si Pythagore se présenta non comme un « sage » (sophos), mais comme un « ami de la sagesse », un philosophos, c’est parce qu’il jugeait excessif d’appeler sage un être humain, considérant que la sagesse ne convient à nul homme mais aux dieux seulement [2] . En inventant le mot « philosophe », Pythagore entérina ainsi la mort du sage en le remplaçant par celui qui aspire à la sagesse, qui l’aime par-dessus tout, mais qui ne prétend pas la posséder ou l’incarner. Lançant cet appel à la modestie, Pythagore invitait aussi à cultiver l’humilité. Philosopher, c’est en effet congédier tout désir de certitude et faire vœu de pauvreté en matière de connaissance. Comme le disait l’oracle du dieu de Delphes : « Le plus sage d’entre vous, hommes, c’est celui qui a reconnu comme Socrate que sa sagesse n’est rien » [3].
André Martins de Barros, Le Philosophe, 2004,
huile sur toile, 35 x 27 cm, coll. privée.
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Notes

[1Voir Cicéron, Tusculanes, V, 3, § 8, trad. J. Humbert, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Série latine-Guillaume Budé » (n° 2), 1931, p. 110.

[2Voir Diogène Laërce, Vie, doctrines et sentences des philosophes illustres, tome 1, Introduction, trad. R. Grenaille, Paris, Flammarion, coll. « GF » (n° 56), 1965, p. 43.

[3Platon, Apologie de Socrate, 23b, trad. E. Chambry, Paris, Flammarion, coll. « GF » (n° 75), 1965, p. 33-34.