Auguste Chevalier, un éminent botaniste français

Notre établissement porte son nom, mais qui était au juste Auguste Chevalier ? Voici quelques éléments biographiques qui pourront permettre de découvrir la riche personnalité d’un botaniste, géographe et explorateur d’exception.
Sa jeunesse à Domfront
Jean Baptiste Auguste Chevalier a vu le jour à 3 km de Domfront, au lieu-dit La Colombellerie, le 23 juin 1873 à 13 heures. Fils d’Auguste André Chevalier, 39 ans, cultivateur, et d’Éléonore Joséphine Piquet, son épouse, 37 ans, sans profession, Auguste Chevalier doit sa première chance à Jules Ferry. Contrairement à ses parents illettrés, il bénéficie en effet de l’accès à l’école et obtient son Certificat d’études primaires à l’école communale de Saint-Front en 1884. Remarquant son goût pour la botanique, son instituteur sait convaincre ses parents de le laisser poursuivre ses études au Collège de Domfront où il passe avec succès son Certificat d’études complémentaires en dessin et agriculture en 1885 et son Baccalauréat ès Sciences en 1891. Dès l’âge de 14 ans, il herborise déjà aux alentours de la modeste ferme où sont installés ses parents. Sa vocation était née.
Extrait de l’acte de naissance d’Auguste Chevalier.
(Archives nationales).
Diplôme du Certificat d’études de 4e Année d’Auguste Chevalier (21 juillet 1889).
(Coll. Lycée A-Chevalier).
Diplôme du Baccalauréat ès Sciences d’Auguste Chevalier (25 juillet 1891).
(Coll. Lycée A-Chevalier).
Services civils et militaires d’une figure d’exception
Auguste Chevalier fait ensuite ses études à Caen. Il est chargé en 1893 par Octave Lignier (1855-1916) du classement des collections botaniques de l’Université de Caen où il obtient sa Licence ès Sciences naturelles en 1896, après avoir effectué son service militaire de novembre 1894 à septembre 1895. Il devient alors préparateur de botanique auprès de Charles-Eugène Bertrand (1851-1917) à l’Université de Lille. De novembre 1897 à novembre 1898, il entre comme boursier de doctorat au Muséum national d’Histoire naturelle de Paris, dans le laboratoire de Philippe Van Tieghem (1839-1914). De novembre 1898 à novembre 1899, il est désigné par le Muséum pour être le botaniste de la mission scientifique et militaire du général de Trentinian (1851-1942), Gouverneur du Soudan français, et participe à une mission économique au Sénégal de novembre 1899 à mars 1900.
Diplôme de Licence ès Sciences naturelles d’Auguste Chevalier (11 juillet 1896).
(Coll. Lycée A-Chevalier).
Auguste Chevalier en 1893 à l’université de Caen
coiffé de la traditionnelle faluche des étudiants.
(Coll. Lycée A-Chevalier).
En novembre 1901, il obtient son Doctorat ès Sciences naturelles et exerce la fonction de préparateur au Laboratoire colonial du Muséum de novembre 1901 à mai 1902. Il est ensuite nommé par le ministère des Colonies chef de la mission scientifique et économique Chari-Lac Tchad et devient sous-directeur du Laboratoire colonial du Muséum en mai 1904. Distingué Chevalier de la Légion d’honneur le 26 juillet 1904, il intègre l’École Pratique des Hautes Études la même année en tant que préparateur au Laboratoire d’agronomie coloniale, avant d’en devenir le sous-directeur en 1907 puis le directeur en 1912.
Auguste Chevalier en 1906.
(Bibliothèque nationale de France).
Le 4 août 1914, deux jours après l’annonce de la mobilisation générale qui marque le début de la Première Guerre mondiale, Auguste Chevalier se porte volontaire aux armées et, le 14, il est rappelé à l’activité. Ses états de service durant la Grande Guerre nous sont connus grâce à sa fiche matricule conservée par les Archives départementales de l’Orne, dans la série « R 1075 », sous la cote « Image 729 ». Nous la présentons ci-dessous en plusieurs vues, en tenant compte des « retombes », ces morceaux de papier collés et repliés par le scripteur sur le feuillet pré-imprimé. Trois retombes sont en effet collées sur la fiche matricule d’Auguste Chevalier, dont deux concernent ses états de service (la rubrique la plus importante que nous avons retranscrite ci-dessous, après la fiche matricule), et une troisième, les localités successivement habitées. Ces retombes doivent être soulevés pour pouvoir lire certaines informations écrites sur le feuillet. Trois vues sont donc nécessaires pour que la numérisation puisse donner accès à l’ensemble des informations contenu dans la fiche matricule.
Fiche matricule d’Auguste Chevalier (vue n° 1).
(Archives départementales de l’Orne).
Fiche matricule d’Auguste Chevalier (vue n° 2).
(Archives départementales de l’Orne).
Fiche matricule d’Auguste Chevalier (vue n° 3).
(Archives départementales de l’Orne).
« Rappelé à l’activité le 14 août 1914. Passé à la 4e Section d’Infirmiers le 13 octobre 1914. Passé à la 15e Section d’Infirmiers le 11 janvier 1915. Caporal le 21 janvier 1915. Nommé Sergent le 18 mars 1915 pour prendre rang à partir du 2 avril 1915. Promu Officier d’administration de 3e classe (par décision ministérielle du 31 mars 1915) et mis à la disposition des troupes coloniales. Parti et rayé des contrôles de la 15e Section d’Infirmiers militaires le 1er avril 1915. Affecté au dépôt des convalescents sénégalais à Metz le 5 mai 1915. Placé hors cadres et mis à la disposition du ministère des Colonies en date du 1er février 1917 ». (Vue n° 2)
De 1917 à 1919, Auguste Chevalier est mis à la disposition du Gouverneur général de l’Indochine Albert Sarraut comme Inspecteur général de l’Agriculture et des Forêts de l’Indochine. Le 1er janvier 1919, il devient directeur de l’Institut scientifique de l’Indochine. Il est promu Officier de la Légion d’honneur le 12 juillet 1919, puis nommé Professeur titulaire de la chaire d’Agronomie tropicale au Muséum national d’Histoire naturelle le 18 juin 1929, poste qu’il occupe jusqu’à sa retraite en 1946. Il obtient le grade de Commandeur de la Légion d’honneur le 25 février 1937 et devient membre de l’Académie des sciences la même année, avant d’en assurer la présidence de 1953 à 1956.
Brevet de Chevalier de la Légion d’honneur d’Auguste Chevalier (26 juillet 1904).
(Archives nationales).
Brevet d’Officier de la Légion d’honneur d’Auguste Chevalier (12 juillet 1919).
(Archives nationales).
Brevet de Commandeur de la Légion d’honneur d’Auguste Chevalier (25 février 1937).
(Archives nationales).
Auguste Chevalier en habit d’académicien.
(Coll. Lycée A-Chevalier).
Médaille gravée par Georges Guiraud (argent, 59 mm, 129.36 g.) offerte au professeur Auguste Chevalier à l’occasion de son jubilé scientifique le 23 octobre 1947 au Muséum national d’Histoire naturelle lors d’une cérémonie présidée par Louis Blaringhem, président de l’Académie des sciences. (Coll. privée).
Un voyageur infatigable
Homme de terrain, Auguste Chevalier est un spécialiste d’agronomie tropicale. Sa démarche consiste non seulement à répertorier les plantes, mais également à connaître le nom qui leur est donné dans la langue de la région ainsi que l’utilisation qui en est faite par les populations locales. Grâce à cette approche, il est considéré comme un précurseur de l’ethnobotanique. À la fois botaniste, géographe et explorateur, il enchaine les missions scientifiques et économiques essentiellement en Afrique, mais aussi en Asie et en Amérique du sud, étudiant notamment le caféier d’Afrique centrale, le cacaoyer de l’Ouest africain, le kolatier de l’Afrique tropicale, le giroflier du Gabon, les poiriers, les noyers et les châtaigniers d’Indochine, les bois et autres produits forestiers du Tonkin. Il cartographie la région des sources du fleuve Niger et les massifs montagneux du nord-ouest de la Côte d’Ivoire. Il dirige des plantations de caoutchouc au Soudan, découvre de nouvelles plantes au Niger, spécule sur l’existence probable d’une mer récente dans la région de Tombouctou, réfléchit sur la culture de l’arachide au Sénégal. Il crée le jardin botanique de Dalaba en Guinée, rédige des « Que sais-je ? » sur le riz, le café, le coton, le caoutchouc et les fruits exotiques, écrit d’autres ouvrages sur le tabac, les forêts vierges et les bois tropicaux pour la maison d’édition des Presses Universitaires de France. L’activité d’Auguste Chevalier au cours de sa carrière fut tellement riche et intense qu’il est impossible d’en rendre compte ici autrement que sous la forme d’un aperçu sommaire. La chronologie présentée ci-dessous permet en revanche d’établir la liste précise des diverses expéditions auxquelles l’infatigable naturaliste participa.

 1898-1899 : Membre de la mission scientifique et militaire du général de Trentinian. Territoires prospectés : Dakar, Bamako, Guinée et Haute-Volta. 8000 km de brousse parcourus, 3000 échantillons d’herbier collectés.
 1899-1900 : Mission économique au Sénégal.
 1902-1904 : Dirige la mission scientifique et économique Chari-Lac Tchad.
Mission scientifique et économique Chari-Lac Tchad dirigée par A. Chevalier (1902-1904).
Croquis des itinéraires.
(Bibliothèque nationale de France).

 1904-1905 : Mission en Guinée et en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Nigeria et au Cameroun, en Guinée Équatoriale et sur l’ile de San-Thomé.
 1906-1907 : Mission forestière de la Côte d’Ivoire.
Mission forestière de la Côte d’Ivoire dirigée par A. Chevalier (1906-1907). Itinéraire de la mission.
(Bibliothèque nationale de France).

 1908-1910 : Mission scientifique dans l’Ouest africain au cours de laquelle Auguste Chevalier détermine le système hydrographique des sources du Niger et dresse la carte d’une région du Dahomey jusque-là inconnue.
Mission scientifique dans l’Ouest africain dirigée par A. Chevalier (1908-1910). Itinéraire de la mission.
(Bibliothèque nationale de France).

 1911-1912 : Mission en Guinée, au Soudan et au Sénégal.
 1913-1914 : Mission le conduisant au Tonkin, en Cochinchine, au Cambodge, en Malaisie, à Singapour, à Java et à Ceylan.
 1917-1919 : Auguste Chevalier crée l’Institut Scientifique de Saïgon et est nommé Inspecteur Général de l’Agriculture et des Forêts en Indochine.
 1919 : Directeur de l’Institut scientifique de l’Indochine.
 1927 : Mission en Kabylie et dans le sud algérien et tunisien.
 1928 : Mission au Brésil (São Paulo, région du Parana, Rio de Janeiro).
Auguste Chevalier en mission.
(Coll. Muséum national d’Histoire naturelle).

 1929 : Mission au Sénégal.
 1930 : Mission en Côte d’Ivoire et en Guinée.
 1931-1932 : Mission au Sénégal, au Nigeria et au Tchad.
 1934 : Mission aux Îles du Cap-Vert, aux Canaries et à Madère.
 1938 : Mission au Niger.
 Après la Seconde Guerre mondiale : Voyages au Sénégal, en URSS et en Côte d’Ivoire.
Un lycée à son nom
En 1959, trois ans après sa mort le 4 juin 1956 à Paris, le Conseil municipal de la Ville de Domfront décida de donner le nom d’Auguste Chevalier à notre établissement, en l’honneur de celui qui fut l’un de ses plus illustres élèves.
Photographie d’Auguste Chevalier dédicacée à Paris le 30 août 1937 à « l’association des anciens élèves », en témoignage de son « affectueux attachement » au « vieux collège de Domfront ».
(Coll. Lycée A-Chevalier).
Avis de décès d’Auguste Chevalier.
(Archives nationales).
Stèle de la tombe d’Auguste Chevalier au cimetière de La Croix-des-Landes à Domfront.
(Photo L. Letendre).
Pour en savoir plus, vous pouvez consulter la publication de Christophe Bonneuil, chercheur au CNRS et professeur à l’Université Paris Diderot (Paris 7) : Auguste Chevalier, savant colonial. Entre science et Empire, entre botanique et agronomie.

Vous pouvez également lire la Notice sur la vie et les travaux de Auguste Chevalier (1873-1956), membre de la section de botanique, par Lucien Plantefol, membre de l’Académie des sciences, déposée en la séance du 28 septembre 1959.
Notice sur la vie et les travaux
de Auguste Chevalier (1873-1956),
membre de la section de botanique
,
par Lucien Plantefol.
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Voir en ligne : Aperçu sur quelques voyages d’Auguste Chevalier (1899-1910)